BOUGE! Le blogue du Centre sportif

Derrière le rêve

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Par Lysanne Richard, plongeuse de haut vol

Pour moi, l’année 2016 a plutôt commencé de travers. Le 7 janvier, un accident survenu à l’entraînement m’a infligé une commotion cérébrale. À la suite de cet incident, ma vie s’est transformée en montagnes russes  : maux de tête, maux de cœur, et difficulté à accomplir mes tâches quotidiennes et familiales. Janvier et février ont apporté leur lot de défis, et ce, malgré le soutien de ma famille et de mes proches. Il a été très angoissant pour moi d’être gardée hors de mon plan d’entraînement pendant plus d’un mois, tout juste après les vacances des Fêtes et avant le départ pour la seule compétition FINA de l’année : la Coupe du monde de plongeon de haut vol d’Abu Dhabi.

Depuis ma première participation à une coupe du monde FINA, à Cozumel, en mai 2015, laquelle fut loin d’être un succès (j’avais flanché sous la pression et exécuté de piètre façon tous mes mouvements de la compétition !) j’avais redoublé d’efforts en entraînements, pris de l’expérience en compétition, augmenté le degré de difficulté de mes plongeons, et amélioré leur qualité d’exécution. Bref, avant les vacances des Fêtes, je me sentais au sommet de ma forme et confiante pour la compétition de février.

On dit souvent que rien n’arrive pour rien et que l’on grandit à travers les épreuves. Je suis complètement en accord. Avec la commotion, j’ai dû trouver d’autres façons de me préparer. Parmi celles-ci deux éléments clés ont fait partie de ma réussite à Abu Dhabi : la visualisation et les exercices de vision 3D. La visualisation fait partie intégrale de notre sport pour plusieurs raisons. Premièrement, c’est un sport impliquant un haut niveau de risque; il faut donc être complètement préparé, physiquement et mentalement, avant chaque plongeon de 20 mètres. Deuxièmement, nous n’avons que de rares occasions d’exécuter complètement nos mouvements. Plusieurs plongeurs de haut vol sont dans la même situation que moi, et n’ont pas accès fréquemment à une plateforme de 20 mètres. Nous exécutons des mouvements compliqués que nous n’avons pas le temps d’accomplir avec nos installations régulières d’entraînement à 10 mètres. Donc, lorsque nous arrivons en compétition, cela fait souvent quelques mois que l’on a vécu la sensation de s’élancer de cette hauteur et de faire des figures aussi complexes.

Le secret pour déjouer notre cerveau de la peur est de lui faire vivre le mouvement plus souvent qu’à notre corps. Étant donné que j’ai eu droit à moins de temps d’entraînement physique, j’ai donc mis les bouchées doubles sur la préparation mentale. En début d’année, j’ai triplé le nombre de fois où je pratiquais les mouvements dans ma tête par rapport à mes habitudes, de sorte que lorsque je suis arrivée sur la plateforme à Abu Dhabi, je me sentais confiante, je connaissais mes mouvements dans tous leurs détails et je savais ce dont j’avais besoin pour les exécuter. Cette confiance a été l’élément clé de mes pratiques et de ma compétition. Je me sentais sereine et d’attaque.

L’importance de la vision 3D
Un autre élément majeur dans ma préparation est lié à la vision 3D. Cette vision est ultra-importante dans notre sport puisqu’elle nous permet d’analyser la profondeur. Il faut être rapide avec ce genre de décodage de l’information lorsqu’on est dans les airs, car lorsqu’on a complété la principale partie de notre technique et qu’il nous reste le barani (demi-rotation de la fin), il faut comprendre exactement combien de temps il nous reste pour terminer le mouvement et arriver complètement à la verticale dans l’eau. Ce temps dépend de la distance nous séparant de l’eau à ce stade, distance que nous analysons grâce à notre contact visuel avec l’eau. Lors de mes examens postcommotion, on a constaté que ma vision 3D avait été affectée par l’impact du 7 janvier. J’ai donc eu la chance de travailler avec un spécialiste, Monsieur Tinjust, à la clinique de médecine du sport de l’INS Québec afin de retrouver toutes mes aptitudes visuelles. M’étant investie dans les exercices qu’il m’a proposés, j’ai eu la sensation non seulement d’avoir retrouvé les aptitudes diminuées avec l’accident, mais aussi d’avoir amélioré ma vision 3D en général, ce qui m’a aidée à être plus constante pour mes ajustements dans toutes mes entrées à l’eau, à la compétition. J’ai remporté l’épreuve par plus de 20 points, plaçant pour la première fois une Canadienne sur la première marche du podium en compétition internationale FINA en plongeon haut vol. Cela faisait longtemps que je caressais ce rêve. Ayant eu la chance de l’accomplir, je suis prête pour de nouveaux défi dans la poursuite de mon sport.

On ne se cachera pas qu’il y a aussi eu des inconvénients reliés à l’accident. Le plus important a été de diminuer ma charge de pratiques. J’étais en moins bonne condition physique en général. J’avais pris du poids et perdu en puissance. Cela dit, cette situation aurait pu être bien pire sans le soutien de Cory Kennedy, le responsable de ma préparation physique avec qui nous avons travaillé fort pour maintenir un entraînement de musculation, malgré les contraintes imposées.

Je vois plutôt cet inconvénient du bon côté puisqu’il me permet de garder des surprises en réserve pour le reste de la saison. Je continue de travailler fort au quotidien pour retrouver ma forme et une meilleure qualité d’exécution de mes départs. Puis, je maintiens mes habitudes de visualisation et d’exercices de vision 3D. J’ai eu la chance de remporter l’épreuve à Abu Dhabi, mais comme l’a déjà dit Gary Hunt, le plongeur le plus couronné dans l’histoire du haut vol, devenir champion est une chose, mais le demeurer en est une autre.

Mes rivales sont de taille, elles travaillent fort et s’améliorent constamment. Défendre mon titre ne sera pas une tâche facile. Je suis prête à travailler fort pour continuer à vivre ce rêve. La saison féminine 2016 de RedBull Cliff Diving sera celle de la plus grande envergure jusqu’à présent. Vous pourrez nous suivre dans sept compétitions avec des destinations plus spectaculaires les unes que les autres : Texas, Azores, Italie, Grande Bretagne, Bosnie, Japon. Le couronnement de la saison aura lieux à Dubaï, en octobre. Toutes les compétitions seront diffusées en direct sur RedbullTV, en plus d’être diffusées au Québec sur le réseau TVA Sports. C’est un rendez-vous !

Crédit photo : Deep Blue Média