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Les défis d’une saison olympique

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Par Roseline Filion, plongeuse et médaillée olympique

Prévoir l’imprévisible! Ce dicton représente parfaitement ce à quoi ressemble une saison olympique. En 2008, nous pensions être la seule équipe de synchro canadienne en vue des Jeux olympiques, mais un duo surprise a surgi et a performé bien au-delà de ce que Meaghan et moi pouvions faire. Ultimement, nous nous sommes qualifiées pour les Jeux de Pékin, mais ce fut une saison haute en émotions. En 2012, mon grand-père est décédé deux semaines avant mon départ pour la Coupe du monde. La compétition servait d’ailleurs de dernière opportunité de qualification olympique. Mon grand-père était celui qui m’encourageait le plus dans ma carrière sportive. Le perdre lors d’une année olympique – un moment qu’il aurait tant aimé regarder et que j’aurais tant souhaité qu’il voie -, c’est cruel. En 2016, voilà que je me fracture la cheville à l’entraînement, tout juste avant la qualification nationale pour la Coupe du monde. Ma route vers Rio qui s’annonçait chargée et intense s’est tout à coup transformée en défi d’une vie…

Le 17 décembre 2015, lors d’un entraînement, je m’échauffais en faisant des sauts périlleux sur des matelas. Une routine que je fais tous les jours avant d’aller à l’eau. En exécutant ledit périlleux, j’atterris les pieds joints sur le béton au lieu de tomber sur le matelas, comme prévu. Résultat : fracture de l’astragale de ma cheville droite. Temps de guérison : 8 à 12 semaines dans un plâtre. Pendant un moment, j’ai vu mon rêve olympique s’envoler en fumée. Contre toute attente, grâce à l’expertise de l’équipe qui m’entoure, j’ai rapidement compris que Rio 2016 n’allait pas être en péril.

Un plan a d’abord été rapidement mis en place pour la réhabilitation de ma cheville. Après deux semaines et demie de plâtre, mon orthopédiste décide de me faire porter une botte de marche. Par contre, il m’était interdit de mettre du poids sur ma jambe, de quelque façon que ce soit. La botte de marche avait pour but de me permettre de retourner dans l’eau pour faire des exercices de type aquaforme. J’enfilais donc une botte résistante à l’eau, moulée à ma jambe, pour aller faire mes exercices et ainsi limiter les dégâts musculaires dus à l’inactivité de ma jambe plâtrée.

À ce point-ci de ma réhabilitation, le camp d’entraînement à Cuba, le grand prix d’Allemagne et la Coupe du monde de Rio ont été rayés de mon horaire de compétition. L’objectif? Les Séries mondiales au début mars. Toujours est-il que pour la Coupe du monde de février dans la piscine olympique de Rio, j’allais accompagner l’équipe. Non seulement pour me familiariser avec l’environnement, mais aussi pour être avec mon entraîneur afin de poursuivre mon entraînement. Ayant obtenu le feu vert du médecin tout juste avant mon départ pour le Brésil, je pouvais donc recommencer à plonger tranquillement.

Les chances que je puisse prendre part à la compétition étaient minces. Certains y croyaient, d’autres non. Moi, je n’y croyais pas du tout. Une fois rendue au Brésil, c’est là que le vrai travail a commencé. Deux fois par jour, j’avais la massothérapeute et la thérapeute du sport à mes pieds… littéralement. Chaque jour il y avait de l’amélioration, chaque jour je pouvais faire de nouveaux mouvements. Dans l’eau, je pouvais refaire petit à petit mes plongeons. J’en ai essayé un, puis deux, puis trois, puis quatre. Le cinquième, celui avec la petite course, tout simplement impossible. Le punch que requiert ce plongeon avant de m’élancer de la tour était encore trop douloureux. Mon coach m’a alors suggéré de modifier le plongeon pour un plus simple. Un que je n’avais jamais fait de ma vie au 10 mètres. En voyant que mes plongeons avaient un potentiel compétitif et que la modification valait la peine, mon coach et moi avons décidé que j’allais prendre part à la compétition. J’ai donc pu prendre part à la Coupe du monde et ainsi avoir une seconde chance d’ouvrir la place pour le Canada en vue des Jeux olympiques. Dans cette épreuve, il manquait toujours une place pour notre pays.

Je dois préciser que j’ai pu participer à l’épreuve grâce à Meaghan qui m’a donné sa place. Ayant ouvert une place pour les Olympiques l’été dernier aux Championnats du monde aquatiques de Kazan, elle ne pouvait pas en ouvrir une autre. La lourde tâche revenait donc à Celina Toth et moi. Un top 18 lors de la ronde préliminaire était nécessaire pour ouvrir cette fameuse place. La 18e place est exactement là où j’ai terminé. Je n’ai pas très bien plongé, mais c’était suffisant. Au  bout du compte, j’ai réussi à atteindre la finale et j’ai terminé 6e.

Malgré tout le travail et la fierté d’avoir passé à travers cette étape, l’histoire est loin d’être terminée et cette bataille n’est pas encore gagnée. J’ai encore du travail à faire pour regagner ma masse musculaire et ma mobilité. Cela dit, je suis maintenant capable de faire mon plongeon avec la course et je peux enfin refaire du synchro.

Il reste cinq mois avant les Jeux olympiques de Rio, je suis officiellement de retour et prête pour les prochaines étapes.

La route que j’anticipais sinueuse s’est transformée en vrai parcours de guerre. Les guerriers les plus forts doivent faire face aux batailles les plus dures, n’est-ce pas?

À suivre…

Crédit photo : Attraction Images