Par Marc-André Duchesneau, doctorant en psychopédagogie à l’Université de Montréal.
Il y a quelques jours à peine, le quotidien La Presse brossait un portrait alarmant de la santé chez nos jeunes, mettant en exergue qu’ils étaient moins en forme et surtout moins actifs que les jeunes de la génération précédente. Les constats de La Presse sont cohérents avec ce que l’Institut canadien de la recherche sur la condition physique et le mode de vie1 a observé dans une méta-analyse des différentes études sur le sujet en 2010 :
- Plus d’hommes que de femmes pratiquent un sport
- La pratique du sport diminue avec l’âge
- Le revenu du ménage est lié à la pratique du sport
- La pratique du sport a diminué ces dernières années
Outre ces constats, l’Institut a également observé que les mœurs en matière de pratiques sportives ont évolué. En effet, il semble que les jeunes sont plus enclins à faire du sport dans un contexte encadré et organisé. Devons nous être surpris de cette observation?
Plusieurs raisons peuvent expliquer cette évolution. Le sport est généralement perçu par les parents comme favorisant le développement des jeunes. Ces perceptions amènent beaucoup de parents à initier et à promouvoir la pratique d’un sport auprès de leur enfant. N’entendons-nous pas fréquemment que le sport « forge le caractère » ou « développe la discipline chez les jeunes »? Qu’en est-il réellement? Est-ce réaliste d’attribuer au sport ces finalités?
Ces questions sur la pratique sportive comme contexte favorable au développement personnel du jeune seront au cœur de la présente série d’articles. Avant de les attaquer de front, il m’apparaît important de bien définir ce que j’entends par « sport » et « développement personnel ». Si on veut se comprendre, il faut parler le même langage!
Définir le sport
D’abord, nul besoin de souligner que le spectre du sport est immensément large. La pratique sportive peut être autant structurée que non structurée, avec ou sans ballon, dans une visée éducative, de santé ou de performance ou encore se dérouler devant une foule en délire ou seul à la maison… Vous voyez un peu le genre?
Question de centrer la discussion, la présente série d’articles s’intéresse à la pratique sportive compétitive chez les jeunes… des premiers pas aux Jeux de Montréal à la participation aux Jeux du Québec, la sélection sur l’équipe nationale ou encore la victoire aux Jeux olympiques. Ce type de pratique nécessite généralement un encadrement et un niveau d’engagement assez prononcé qui, comme nous le verrons en profondeur, sont quelques-uns des déterminants de l’expérience vécue par les participants.
Une perspective développementale
Au-delà des bienfaits sur la santé qu’occasionne une saine pratique sportive, en quoi le sport peut-il contribuer au développement personnel d’un jeune? Ici, on considère que le sport peut amener un jeune à s’engager dans son propre développement et dans l’actualisation de son potentiel pour faire de lui un actif de la société. Concrètement, le sport devient un véhicule utilisé pour favoriser l’acquisition d’un ensemble de compétences transférables dans la vie courante.
Le sport… l’eldorado du développement personnel?
Une question s’impose : est-ce que la « simple » pratique sportive est suffisante pour faire du jeune athlète une meilleure personne, un contributeur à la société?
Plusieurs éléments portent à croire que la réponse est non. En effet, c’est une fausse croyance que plusieurs intervenants du sport adoptent en pensant que le simple fait de s’engager dans une pratique sportive compétitive contribuera automatiquement au développement des jeunes3. Pour observer des bénéfices développementaux4 et des transferts possibles à l’extérieur du cadre sportif, il doit y avoir une intention pédagogique claire et une volonté d’utiliser le sport comme contexte d’apprentissage.
Pour reprendre la question initiale, dans certains contextes, le sport peut en effet « forger le caractère », inculquer une certaine discipline de vie, développer l’initiative et la résilience, favoriser l’acquisition de compétences sociales et bien d’autres atouts nécessaires pour devenir un actif de la société. Cette vision du sport sous l’angle développemental porte justement un nom dans le milieu de la recherche… on parle de développement positif de l’athlète!
Au cours des prochaines semaines, il sera justement question de ces divers contextes d’apprentissage qui favorisent un développement positif de l’athlète. J’aborderai des sujets tels l’impact de l’entraîneur et des parents sur le développement personnel et sportif du jeune, les diverses trajectoires sportives et leurs retombées ainsi qu’une panoplie d’autres sujets intéressants.
Entre-temps, puisque la discussion a été entamée à propos de la contribution de la pratique sportive sur le développement positif de l’athlète, je vous invite à lire le plus récent billet d’Audrey Lacroix, gestionnaire de communauté pour le Centre sportif et maintes fois olympienne. Il y a assurément quelques liens à faire entre ce que j’ai présenté aujourd’hui et son récit de vie.
1 Institut canadien de la recherche sur la condition physique et le mode de vie. (2010). La pratique du sport au Canada : évaluation des tendances de 2004 à 2009.
2 Lerner, J. V., Phelps, E., Forman, Y., & Bowers, E. P. (2009). Positive youth development. In Handbook of Adolescent Psychology (pp. 524–558). John Wiley and Sons, inc.
3 Coakley, J. (2016). Positive youth development through sport: myths, beliefs, and realities. In N. L. Holt (Ed.), Positive youth development through sport (2e ed., pp. 21–33). New York: Routledge.
4 Fraser-Thomas, J. L., Côté, J., & Deakin, J. (2005). Youth sport programs: an avenue to foster positive youth development. Physical Education & Sport Pedagogy, 10(1), 19–40.