Responsable de l’image de marque des Jeux et de ses multiples concrétisations – affiches, brochures, papeterie, uniformes, pavoisement, etc., la Direction générale du graphisme et du design du Comité organisateur des Jeux (COJO) de Montréal 1976 fait appel à plusieurs créateurs de renom, dont François Dallegret pour concevoir le mobilier urbain du Parc olympique.
Né en 1937, l’artiste, architecte et designer d’origine française François Dallegret présente un parcours pour le moins atypique, à l’image de son originalité et ses créations hors normes.
En 1958, il s’inscrit en architecture à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris et y fréquente l’Atelier Lemaresquier où il croise l’architecte Roger Taillibert. En 1962, il délaisse ses études pour se consacrer au design d’intervention. En 1964, il quitte Paris pour New York, avant de s’installer définitivement à Montréal.
L’univers de référence de ses créations humanistes et futuristes se situe à la croisée de l’art, de l’architecture et du design. Ses réflexions portent sur l’interaction entre l’homme, l’environnement et les technologies – d’où découle la série Machinations, un ensemble d’œuvres qui sont autant d’odes à la machine. Ses installations urbaines interactives exploitent des matériaux industriels standardisés et leur esthétique ludique marque le lieu de manière poétique.
Entre 1964 et 1965, François Dallegret aménage Le Drug au 2130 rue de la Montagne. Cet espace commercial, à la fois pharmacie, bar, discothèque, galerie et restaurant marque les esprits et accueille l’avant-garde créative du moment. En 1966, il conçoit les effets spéciaux pour Expo 67 et en concomitance, il réalise La Machine, une œuvre sonore interactive montrée initialement à la Galerie Waddell de New York. Après une tournée muséale américaine, elle sera exposée en 1968 au Musée d’art contemporain de Montréal.
Dix ans plus tard, en 1976, l’exposition Diskobolite – François Dallegret au Musée des beaux-arts de Montréal marque le volet culturel des Jeux olympiques. Pour célébrer la collaboration, le Parc olympique de Montréal lui passe commande d’une collection de mobilier urbain. Cette édition modulaire sera désignée par le nom BETA, l’acronyme du mot composé anglais bench table (banc-table) et entre dès lors dans l’histoire.
Le banc-table BETA : une longue tradition au Parc olympique
Versatile, le concept BETA réinvente le mobilier de parc par l’usage d’un module en béton en forme de «L», désigné selon la terminologie de l’artiste en tant que « Sabot », à disposer à la verticale ou à l’horizontale et à utiliser seul ou de façon groupée, suivant l’élément à produire. Pour réaliser le banc avec dossier, il suffit de liaisonner deux Sabots redressés par deux longues plaques d’acier perforé standardisées et peintes, une large pour l’assise, l’autre plus étroite servant d’appui et de tablette. Regroupés dos à dos, deux bancs forment un banc-table utile pour les pique-niques. Les blocs de béton servent encore d’ancrage à un lampadaire « alumette », de base à une poubelle, d’enclos à un carré de sable ou à une jardinière. Un premier prototype non perforé est mis au point en 1975, suivi quelques mois plus tard du prototype final perforé.
Axonométrie du concept BETA mis au point pour les Jeux olympiques de 1976. © 1976 François Dallegret / SOCAN
Pique-niqueurs attablés pour casser la croûte entre deux compétitions aux Jeux de 1976, démontrant la grande versatilité de la création de l’artiste. © Rapport officiel des Jeux de Montréal – COJO 1976
Solide, durable et à l’épreuve du vandalisme, le mobilier BETA ne nécessite aucun ancrage au sol et un minimum d’entretien. De nos jours, au Parc olympique, on retrouve encore une trentaine de bancs-tables BETA et presque autant de poubelles datant de l’époque des Jeux olympiques. Ils ont si bien franchi l’épreuve du temps, que depuis 2016, quelques dizaines d’autres pièces du mobilier BETA, fabriquées à l’identique avec l’approbation du concepteur, ont été ajoutées sur le site du Parc olympique. Alors qu’au milieu des années 1970, l’enjeu écologique était balbutiant, François Dallegret a pavé la voie à la durabilité, sans pour autant sacrifier à l’utilité et à l’originalité.
L’un des nouveaux bancs-table BETA fabriqués à l’identique selon les directives du concepteur qui a été installé en 2021 dans le vestibule des affaires de la Tour de Montréal. Une plaque d’interprétation explique aux visiteurs l’histoire de cette création remarquable de l’architecte-designer François Dallegret.
Groupe d’Olympiens prenant la pause sur un banc BETA lors des Jeux olympiques de 1976. © Rapport officiel des Jeux de Montréal – COJO 1976
Déjà en 1977, alors que le créateur de la série BETA exhibait, dans son environnement bien à lui, les fantaisies du quotidien de l’homme dans le cadre de l’exposition Les machinations de Dallegret à l’occasion du Salon international de l’homme tenu à la Place Bonaventure, l’originalité et l’inventivité de Dallegret transpiraient dans sa présentation le décrivant ainsi : «un architecte homme de tête, créateur d’un mode de vie simple mais inspiré… Homme-orchestre, ses activités sont multiples… de l’objet à jouer au centre d’achat nouvelle vague, de la sculpture à grimper au super drugstore, de l’image de magazine à l’exposition musée, du concept à la fabrication et à la vente… C’est toujours avec humour et précision que François Dallegret s’exprime.