Entrevue : Sandra Gonzalez – Préparatrice physique à l’INS Québec
Alors que les Jeux olympiques de Paris arrivent à grands pas, les employés de l’Institut national du sport du Québec (INS Québec) sont en pleine « préparation » en vue de cet été. Nous avons souhaité mettre en lumière ceux qui œuvrent dans l’ombre, ceux qui travaillent sans relâche et passionnément pour aider les athlètes à réaliser leur plein potentiel. C’est ainsi que Le 76 a eu l’occasion de s’entretenir avec Sandra Gonzalez, préparatrice physique au sein de l’Institut.
Sandra s’est jointe officiellement à l’organisation en 2020 en tant que préparatrice physique.
Depuis très longtemps, elle travaille avec les athlètes de patinage de vitesse à différents niveaux, que ce soit l’équipe nationale, le niveau élite (14 à 18 ans) et l’équipe « Next Gen ». Elle est aussi responsable de la natation artistique depuis 2019.
Côtoyant plus de 100 athlètes par année, Sandra fait partie d’une équipe de 10 préparateurs physiques au sein de l’INS Québec.
Peux-tu nous décrire ce qu’est un poste de préparateur physique à l’INS Québec et quelles en sont les principales tâches?
Chaque athlète a différents besoins, et ce, même si le sport est le même. C’est donc notre responsabilité de personnaliser notre approche.
En tant que préparateur physique, notre but est de préparer le mieux possible l’athlète pour l’amener au meilleur de ses capacités dans son sport.
Premièrement, nous allons analyser les besoins spécifiques de chaque athlète, en tenant compte de leurs forces et faiblesses individuelles pour comprendre comment on peut les faire progresser le plus possible dans leur sport. Chaque athlète a différents besoins, et ce, même si le sport est le même. C’est donc notre responsabilité de personnaliser notre approche. Par exemple, les athlètes en natation artistique vont se présenter dans le gym le matin pour une activation matinale, ce qui va les préparer pour leur séance dans l’eau avec leur entraîneur.
Deuxièmement, il est très important de travailler en étroite collaboration avec les entraîneurs pour permettre l’atteinte des objectifs et des performances de pointe. Au bout du compte, les athlètes passent plus de temps à pratiquer leur sport que dans la salle de gym avec nous, d’où l’importance d’avoir une coordination efficace pour les préparer le mieux possible. Nous travaillons vraiment en amont du sport, alors que les entraîneurs sont plus axés sur les spécificités du sport et de la performance. Par exemple, lorsque les athlètes de natation artistique ont terminé avec leur entraîneur, elles reviennent nous voir au gym pour travailler en fonction de leurs besoins. Ça peut être soit une filière énergétique, soit au niveau d’un développement musculaire spécifique comme une séance en puissance ou autre. Pour d’autres sports, une séance de récupération comme du yoga ou des étirements est plus adaptée aux besoins.
Troisièmement, il est important de créer une dynamique d’équipe entre tous ceux qui sont autour de l’équipe : les physiothérapeutes, les nutritionnistes, le personnel dédié à la préparation mentale, etc. On essaye vraiment fort à l’INS Québec de mettre en place une collaboration interdisciplinaire qui nous permet de tous avancer dans la même direction et d’amener les athlètes à un autre niveau.
Quels outils liés à la science du sport utilisez-vous pour faire des évaluations de performance et de santé?
Avec les nouvelles technologies, on peut parfois oublier de simplement demander à un athlète « comment vas-tu aujourd’hui? » et souvent cela en dit beaucoup plus long que la donnée.
Nous nous servons beaucoup des sauts sur plateformes de force comme outil pour suivre l’état de la forme des athlètes. Soit en matinée ou avant leur première séance de la journée, les athlètes vont faire entre trois et cinq sauts sur la plateforme de force, les mains sur les hanches, pour limiter le plus possible les bruits dans le mouvement. Cela nous permet de voir le niveau de fatigue neuromusculaire chez l’athlète.
Nous utilisons aussi des questionnaires pour suivre l’état de la forme des athlètes. Par exemple, dans certains sports, ils doivent le remplir avant et après leur première séance matinale, ce qui nous permet d’évaluer dans le temps leur état de forme.
Aussi, il y a ce qu’on appelle les encodeurs linéaires. Ce sont de petites « bébelles » permettant de calculer la vitesse de mouvement. Par exemple, en début de séance, les athlètes vont effectuer quelques répétitions en effectuant des mouvements très fonctionnels qu’ils sont habitués de faire comme le «bench press» ou le «bench pull» ou encore les «squats». Ces outils nous permettent de calculer la vitesse à laquelle ils déplacent la charge. C’est un autre type de suivi neuromusculaire.
Cependant, il est important de rester à l’écoute des athlètes. Avec les nouvelles technologies, on peut parfois oublier de simplement demander à un athlète « comment vas-tu aujourd’hui? » et souvent cela en dit beaucoup plus long que la donnée.
À l’approche des Jeux olympiques, comment le rôle d’un préparateur physique évolue-t-il?
Notre tâche est de les mettre en confiance, de les placer dans des conditions où ils se sentent confortables et où ils vont pouvoir atteindre leur sommet de performance et de santé.
Dans les trois années de préparation avant les Jeux olympiques, on aura fait tous nos tests, on aura essayé tous les outils qu’on veut utiliser que ce soit par rapport à la récupération, au suivi de la forme ou aux méthodes d’entraînement. Donc, dans la dernière année avant les Jeux olympiques, les efforts sont mis sur la performance olympique. Ce n’est plus le temps d’apporter des modifications au plan d’entraînement. Nous utilisons seulement les outils dont nous savons qu’ils fonctionnent à 100 % et dont l’on sait comment les athlètes y répondront. Notre tâche est de les mettre en confiance, de les placer dans des conditions où ils se sentent confortables et où ils vont pouvoir atteindre leur sommet de performance et de santé. Aussi, une grande attention sera portée au suivi de l’état de forme et des blessures. Nous ferons aussi plus d’individualisation dans la récupération de chaque athlète. Par exemple, une athlète pourrait avoir besoin d’un bain froid alors qu’une autre aurait besoin d’un massage avec une massothérapeute.
Est-ce que les préparateurs physiques vont aux Jeux olympiques avec les athlètes?
La participation des préparateurs physiques aux Jeux olympiques varie selon les sports. Habituellement, les priorités sont accordées aux entraîneurs, physiothérapeutes, massothérapeutes ou médecins, puis les préparateurs physiques arrivent en 3e dans l’ordre prioritaire.
Tout dépend du plan de match de l’équipe. Certaines équipes auront le choix d’aller en camp d’entraînement à l’avance, près du site olympique et à ce moment-là le préparateur physique se déplace et ensuite quitte pour laisser la place aux autres membres de l’équipe comme le physiothérapeute lorsque les Jeux olympiques commencent. À l’approche des Jeux, notre impact est plus faible, puisque notre travail a été fait bien avant lors de la préparation. Rendu là, ce n’est plus le temps de changer la puissance de quelqu’un alors notre rôle se situe beaucoup plus en ce qui a trait à la récupération et aux stratégies de réchauffement.
D’un sport à l’autre, c’est assez variable. Par exemple, en patinage de vitesse, le préparateur physique s’y rend habituellement, puisque les athlètes ont beaucoup de courses dans une même journée et il est appelé à guider leurs activations physiques et leurs activités de récupération.
Qu’est-ce que tu aimes le plus de ton métier?
C’est gratifiant de les entendre exprimer leur reconnaissance, de constater qu’ils ont acquis des compétences, de la discipline et des leçons qu’ils peuvent appliquer dans leur vie quotidienne.
J’adore l’aspect social du métier. C’est très gratifiant et magique de pouvoir partager les émotions des athlètes à chaque étape de leur processus, que ce soit en collaborant avec des athlètes olympiques ou avec ceux qui visent des compétitions de niveau national ou provincial. Mon but est d’accompagner chaque individu vers son plein potentiel et de les aider à réaliser leurs rêves, quelle que soit leur ambition. C’est magnifique de voir à quel point les athlètes se transforment pendant leur carrière. Par exemple en patinage de vitesse, j’ai la chance d’accompagner et de voir progresser des athlètes de 14 ans jusqu’à leurs 21 ou 22 ans. Bien que tous ne réussissent pas à rejoindre l’équipe nationale, chacun a su progresser durant son parcours. C’est gratifiant de les entendre exprimer leur reconnaissance, de constater qu’ils ont acquis des compétences, de la discipline et des leçons qu’ils peuvent appliquer dans leur vie quotidienne. C’est vraiment valorisant de pouvoir contribuer positivement à leur vie.
Aussi, j’adore la dynamique au travail. Nous sommes une famille soudée qui marche vers un objectif commun. Évidemment, le fait d’être toujours en mouvement et de travailler dans une salle d’entraînement me rend très heureuse, c’est un milieu de travail parfait pour moi.
Est-ce qu’il y a un moment marquant dans ta carrière que tu aimerais partager avec nous?
Cette année j’ai vécu l’un des moments les plus marquants de ma carrière lorsque Jacqueline Simoneau a été couronnée championne du monde en natation artistique.
Cette année j’ai vécu l’un des moments les plus marquants de ma carrière lorsque Jacqueline Simoneau a été couronnée championne du monde en natation artistique.
C’est une athlète que je suis depuis très longtemps, avant même les Jeux olympiques de Tokyo. À la suite des Jeux de Tokyo, elle avait décidé de prendre sa retraite. Cet été, soit deux ans plus tard, elle a décidé de revenir s’entraîner et de refaire le processus de qualification pour l’équipe nationale. On a travaillé très fort ensemble pour la remettre le plus en forme possible et au sommet de ses performances. Après tous ces efforts et ces étapes, elle a réussi pour la première fois de sa carrière à aller chercher le titre de championne du monde. Ce fut un moment très touchant et inspirant pour moi et toute l’équipe.
Elle a fait écrire sur son maillot de bain tous les noms des intervenants durant sa carrière qui ont eu un impact positif. Elle considère que c’est un peu grâce à nous qu’elle a réussi à aller chercher ce titre et ça m’a beaucoup touchée de voir ça. C’est une athlète avec beaucoup de résilience et de leadership. C’est vraiment une femme formidable.