Entrevue : Simon Deguire – physiologiste à l’INS Québec
À l’approche des Jeux olympiques et paralympiques, le personnel de l’Institut national du sport du Québec (INS Québec) effectue, avec les athlètes, les dernières préparations avant de s’envoler vers Paris. Derrière chaque performance sportive se trouvent des professionnels dévoués, travaillant avec passion pour maximiser les capacités des sportifs. Dans cet esprit, Le 76 a rencontré Simon Deguire, physiologiste de l’exercice au sein de l’Institut, afin de découvrir le rôle de ce dernier dans le quotidien des athlètes.
Simon a débuté à l’INS Québec en 2020 à titre de consultant en science des données. Depuis 2021, il agit à titre de physiologiste de l’exercice. Il consacre principalement son temps au Centre de Haute Performance – Québec (CHP-Québec) et à l’équipe nationale de paranatation, en plus d’avoir travaillé avec les athlètes de patinage de vitesse courte piste, trampoline et paracyclisme. Avant de se joindre à l’INS Québec, il a eu la chance de travailler pour les Canadiens de Montréal pendant 5 ans.
Peux-tu nous décrire ce qu’est un physiologiste de l’exercice et quelles en sont les principales tâches?
Un physiologiste de l’exercice est un spécialiste qui se concentre sur l’étude des réactions physiologiques du corps humain face à l’exercice et à l’activité physique, avec pour objectif principal d’améliorer les performances sportives. Cela implique une étude minutieuse des interactions entre diverses variables, telles que la nutrition, l’entraînement, le repos, la génétique, l’environnement et d’autres facteurs, afin de déterminer comment celles-ci influent sur la capacité d’un athlète à exécuter une tâche sportive spécifique et à atteindre ses objectifs sportifs.
Tous les jours, je suis présent aux entraînements spécifiques des athlètes, que ce soit au bord de la piscine ou de la glace. Je suis en quelque sorte un intermédiaire entre les athlètes et les entraîneurs. Dans mon rôle, j’aide l’entraîneur à moduler la charge d’entraînement selon l’état physique des athlètes et à y définir les objectifs de séances.
Généralement, notre rôle se répartit en trois phases :
Premièrement, nous soutenons les entraîneurs lors de l’élaboration des séances et des programmes d’entraînement. Donc, nous participons à l’élaboration des objectifs de chaque séance, à la périodisation, à l’élaboration du contenu des séances et des stratégies de récupération.
Deuxièmement, nous sommes en soutien sur le terrain. Nous observons ce qui se passe aux entraînements pour voir si les athlètes réagissent de la façon que nous avions anticipée. Ça peut-être, par exemple, le niveau de stress métabolique et musculaire, ou bien le niveau de fatigue perçu. Lorsque nous sommes présents sur le terrain, notre rôle est de collecter des données pour évaluer l’entraînement prescrit, ainsi que la réponse de l’athlète à celui-ci.
Troisièmement, nous interprétons et analysons les données récoltées. C’est une étape très importante, car cela nous permet d’ajuster les entraînements et de comprendre ce qui fonctionne bien et moins bien. Souvent, je vais analyser par moi-même et ensuite valider avec les athlètes et les entraîneurs. C’est un partenariat; on travaille en équipe.
Comment récoltes-tu les données?
Nous surveillons quotidiennement l’état des athlètes de plusieurs façons.
Tout d’abord, lorsque les athlètes se lèvent le matin, ils effectuent une mesure de la variabilité de la fréquence cardiaque et ils répondent à un questionnaire de bien-être sur leur téléphone cellulaire (qui prend à peu près deux minutes). Cela permet aux athlètes de quantifier leur niveau de fatigue physique et mentale, leur niveau de courbatures, leur niveau de stress, leur nutrition, ainsi que leur sommeil. Ces données sont ensuite enregistrées automatiquement dans un tableau de bord. Chaque matin, je les consulte pour voir s’il faut apporter des ajustements à ce qui était planifié.
Ensuite, pendant les entraînements, nous prenons des mesures pour évaluer et valider la réponse physiologique de l’athlète au stimulus d’entraînement qui est proposé. On peut par exemple utiliser des mesures de lactatémie, de fréquence cardiaque, de vélocité et de cadence. Le défi est de trouver quels outils permettront de trouver les réponses à nos questions.
Comment participes-tu au succès des athlètes?
Je suis pleinement dédié au parcours des athlètes, à leurs succès et leur bien-être. Je crois qu’il est très important de toujours se remettre en question. J’essaye d’être le plus innovateur possible, de réfléchir à comment je peux contribuer à amener les athlètes à un autre niveau. Je travaille en étroite collaboration avec les athlètes et notre équipe d’experts. Mon rôle est de faire de la recherche, de trouver comment améliorer et optimiser leurs performances. En d’autres mots, j’essaie de fournir des réponses, des pistes de solution pour optimiser l’entraînement et ultimement leur permettre d’atteindre leur potentiel physiologique. Si nous essayons quelque chose et que ça ne fonctionne pas, il est important de ne pas avoir trop d’égo. La question qu’il faut se poser c’est : pourquoi ça n’a pas fonctionné? Au final, ce sont d’infimes pourcentages qui vont influencer les performances des athlètes de haut niveau, c’est pourquoi il ne faut rien laisser sur la table.
Par exemple, lorsque les athlètes doivent voyager pour une compétition ou un camp d’entraînement, je vais m’occuper d’établir un horaire précis pour le sommeil, les repas, les heures d’exposition à la lumière, notamment. Combien d’heures doivent-ils dormir dans l’avion et à quel moment? L’objectif est de gérer le niveau de fatigue de l’athlète et d’assurer une adaptation rapide.
À l’approche des Jeux paralympiques, comment ton rôle a-t-il évolué?
À l’approche des Jeux, je suis beaucoup plus impliqué dans les décisions sur ce qui est fait à l’entraînement, que ce soit en ce qui a trait à la planification ou à l’exécution. La première étape est de permettre aux athlètes de se qualifier pour les Jeux paralympiques et ensuite, une fois qualifiés, de continuer la progression de manière à maximiser leur potentiel physiologique.
Qu’aimes-tu le plus dans ton métier?
Il y a des défis tous les jours! Je trouve ça extrêmement stimulant de pouvoir côtoyer des athlètes d’aussi haut niveau, c’est vraiment fascinant. Je peux aussi compter sur la meilleure équipe de soutien intégré avec laquelle j’ai travaillé; Nous collaborons, nous avons une belle complicité, et nous nous remettons constamment en question. Tout le monde travaille fort, mais on constate rapidement les fruits de nos efforts, ce qui est très stimulant et valorisant. En plus, je suis tous les jours sur les plateaux d’entraînement; mon milieu de travail me permet d’être dans l’action.
Est-ce qu’il y a un moment marquant dans ta carrière que tu aimerais partager avec nous?
Les Championnats du monde de paranatation qui ont eu lieu à Manchester en août 2023 ont été un moment marquant dans ma jeune carrière. Lors de ceux-ci, mes responsabilités et mon implication ont beaucoup augmenté, j’ai pu voir mon rôle grandir. Une étape importante a été franchie. J’ai été davantage au cœur des décisions au lieu d’être impliqué uniquement qu’à titre de conseiller à la performance. Nous avons travaillé très fort avec les athlètes et développé une bonne dynamique d’équipe et un climat de confiance. Quatre médailles ont été remportées (2x or, 1x argent, 1x bronze) par les athlètes de notre groupe, en plus d’avoir franchi plusieurs records personnels. Au-delà de tout ça, j’ai été très fier de voir les athlètes se rapprocher de leur potentiel physiologique et d’aussi bien exécuter techniquement et tactiquement durant leurs courses. J’ai pu partager leur joie lors de ce processus. Je suis évidemment très impliqué dans leur préparation et ils sont devenus en quelque sorte mes protégés. Nous avons vraiment récolté le fruit de nos efforts.